Quelques notes

Quelques notes en répétition, par Anne Bourgeois

Issu d'une des plus célèbres familles du cirque, Warren Zavatta a choisi de rompre avec la tradition et de devenir acteur. Amoureux des auteurs, des textes et des émotions vraies, il n'a jamais cessé pourtant de briller dans l'univers du cabaret, du sketch, dans cette école presque opposée à celle du théâtre, celle qui ignore le quatrième mur, la seule école où l'interprète doit rendre des comptes au spectateur en étant efficace, technique, drôle « en direct ».

Ce que l'on aime chez un artiste d'aujourd'hui, c'est d'abord son secret : le secret de ce qui circule entre lui et le public. Or il y a bien chez Warren Zavatta cette équation parfaite qui place l'acteur et le spectateur dans une conscience collective que le moment est dangereux, que la confidence n'est pas anodine, que le rire est la seule réaction possible, que la sensibilité est tapie derrière chaque mot.

Je me souviens de Warren évoquant son nom avec ce mélange de distance et de fatalité, cette petite douleur pudique en montrant ses poignets : « je n'y peux rien, il y a du Zavatta qui coule dans là-dedans ... » Nous nous demandions en quoi ce géant glamour et branché allait convertir le flux circassien qui semblait lui peser, s'il finirait par avouer qu'au fond il l'aimait bien, cette famille mythique...

La réponse nous l'avons dans ce spectacle. Un véritable face à face avec le public, les révélations insolentes d'un « fils-de » survolté qui démonte d'une manière irrésistible le mécanisme du monde féérique et merveilleux du cirque, avec des personnages hauts en couleur, des gags, des ébauches de numéro... mais surtout avec un texte incroyablement drôle, où le parler de la vie se mêle à la sincérité de l'acteur.

Plutôt politiquement incorrect que précautionneux, plutôt démasqué que mystérieux, plutôt râleur qu'émerveillé, sa capacité à s'adresser sans cérémonie au public lui permet aussi de nous offrir quelques très beaux moments intimes, à la manière des grands clowns qui savent s'extraire de la relation et se laisser regarder de loin.

Accompagner Warren Zavatta dans son monde où le mensonge n'existe pas, c'est d'abord tenter de repérer comment le secret agit. Ensuite, lui en parler, parler de ce que nous ressentons dans la salle, car à coup sûr, il va l'attraper, s'en servir, nous le rendre en mieux. C'est aussi, peut-être, lui dire que nous aimons les deux, le clown et l'acteur, le désordre et la rigueur, le débordement et le calibrage. Lui re-dire qu'il est bien ces deux-là et ne pas tenter, à aucun prix, d'empêcher le bouffon d'être bouffon, le fou d'être roi.